Manfred Kelkel, né le 15 janvier 1929 à Siersburg (en Sarre alors sous occupation française) et mort à Lannion le 19 avril 1999, est un compositeur de musique contemporaine et musicologue français.
Élève de Darius Milhaud au Conservatoire de Paris, Manfred Kelkel éprouva toujours envers son ancien maître une sincère admiration et une reconnaissance presque filiale même si, sur le plan esthétique, il suivit des voies divergentes.
À partir de 1969, le compositeur reprend des études universitaires, obtenant le doctorat de troisième cycle et le doctorat d’État de musique et musicologie, « avec des travaux qui, depuis, font autorité dans leurs domaines », de son étude « À la recherche de la musique polynésienne traditionnelle », en ethnomusicologie au doctorat d’État sur la musique lyrique au début du XXe siècle (Naturalisme, vérisme et réalisme dans l’opéra). Sa thèse de troisième cycle, consacrée au compositeur russe Alexandre Scriabine (Scriabine, sa vie, l’ésotérisme et le langage musical dans son œuvre), constitue un moment décisif dans sa carrière.
Jacques Viret, ses souvenirs, un homme d’une simplicité, d’une modestie et d’une affabilité parfaites, lui faisant rencontrer Marina Scriabine, fille du compositeur du Mystère dont l’Acte préalable présente un accord de douze sons qui le transportait d’enthousiasme.
Parmi les nombreuses publications de Manfred Kelkel, Jean-Jacques Velly retient surtout l’ouvrage Musique des mondes paru en 1988, ouvrage unique en son genre, qui fait la synthèse de ses deux activités de compositeur et de musicologue.
Manfred Kelkel a occupé un certain nombre de postes importants dans les domaines de l’édition musicale et de l’enseignement supérieur. Directeur musical de 1957 à 1978 aux Éditions Heugel, il est chargé de cours aux universités de Paris IV, Metz, Strasbourg II et Paris XII de 1974 à 1981 avant d’être nommé professeur à l’Université de Lyon II de 1985 à 1991, année où il est titularisé à Paris IV.
Passionné par la musique arabe traditionnelle et la musique russe du début du XXe siècle, il est le directeur de thèse d’André Lischke, lui-même futur spécialiste de la musique de Tchaïkovski et du Groupe des Cinq.
Passionné par les civilisations orientales et les pratiques occultes, Manfred Kelkel décide, à partir de Tabula Smaragdina (faisant référence à la Table d’Émeraude), d’appliquer à ses compositions de manière rationnelle et cohérente des principes issus de l’ésotérisme chinois, de la géomancie arabe et des opérations alchimiques jouant sur les correspondances insoupçonnées unissant les mandalas bouddhiques, les diagrammes hermétiques, les carrés magiques et l’art des sons.
Jean-Jacques Velly a entrepris une brève analyse de son langage musical. Dans le domaine de la mélodie, l’écriture est régie par trois données essentielles : le total chromatique, un emploi modal de la mélodie et une utilisation d’échelles symétriques artificielles. Dans le domaine harmonique, son œuvre s’inspire des derniers travaux de Scriabine et utilise abondamment des accords plus ou moins complexes proches du total chromatique, dans une polytonalité où la mélodie et l’harmonie s’articulent sur des points de repère solides même si la syntaxe musicale qui en découle n’a rien de commun avec la tonalité au sens étroit.
Admirateur de Berlioz et de la grande école orchestrale germanique du XIXe siècle, son écriture orchestrale se singularise par une mise en valeur du timbre instrumental dans laquelle la pensée musicale fait immédiatement corps avec sa réalisation orchestrale. Dans le domaine de l’orchestration, sa maîtrise et son originalité ont été reconnues très tôt, notamment par Henri Dutilleux. Jacques Viret voit en Manfred Kelkel un alchimiste des sons.
Dans le domaine du rythme, la science du professeur et du compositeur se rejoignent dans ses partitions. Philippe Reynal évoque un véritable casse-tête pour les étudiants !
Manfred Kelkel est mort à Paris le 18 avril 1999, peu de temps après la parution de sa biographie et analyse complète des œuvres de Scriabine, publié aux éditions Fayard.